Le Problème :

Il existe au Canada un manque criant d’interprètes et une incompréhension généralisée de leur rôle.

Notre position :

L’interprétation professionnelle qualifiée est un droit qui assiste les personnes non-Sourdes dans leur communication avec les personnes Sourdes.

La plupart des Sourds canadiens dont la langue maternelle est la langue des signes peuvent utiliser l’anglais ou le français comme une deuxième langue. La plupart des non-Sourds canadiens ne peuvent utiliser le langage des signes comme deuxième ou troisième langue après l’anglais et/ou le français. Les interprètes aident les non-Sourds à surmonter leur obstacle linguistique afin de communiquer avec les personnes Sourdes.

L’Association des Sourds du Canada – Canadian Association of the Deaf considère qu’il est approprié pour les personnes non-Sourdes de fournir les services d’un interprète qualifié dans toutes les circonstances impliquant la communication avec les personnes Sourdes. C’est un droit de la personne que de communiquer, de même qu’une question de simple bon sens de s’assurer que tant la personne non-Sourde que la personne Sourde comprennent clairement l’information communiquée.

Il existe un certain nombre de faiblesses dans le domaine de l’interprétation qui nous préoccupent dont :

  • un nombre insuffisant d’interprètes (en particulier d’interprètes compétents) pour satisfaire la demande de leurs services ;
  • trop peu de programmes de formation, dont certains ont des normes plutôt basses pour la graduation des étudiants ;
  • la prolifération des agences de traduction des langues orales qui embauchent des personnes non-qualifiées et sous-qualifiés qui simplement « connaissent (un peu) la langue des signes » et les font passer pour des interprètes complétement qualifiés et vendent leurs services moins cher que des interprètes légitimes et qualifiés ;
  • des fonds insuffisants pour les services d’interprète, ce qui occasionne le rejet de plusieurs demandes de leurs services pour des raisons financières ;
  • un manque d’informations et de sensibilisation quant au cout des interprètes, en particulier dans le milieu du travail, ce qui a comme résultat le refus de nombreux employeurs de fournir des interprètes (au moins après l’entretien initial et la période de formation) puisqu’ils ne connaissent pas les sources possibles de financement ou les déductions fiscales des frais professionnels qui compensant ces couts ;
  • un manque de clarté et de compréhension généralisée concernant les droits aux interprètes des personnes Sourdes ; par exemple, les employeurs demandent souvent à l’ASC-CAD s’ils sont obligés de fournir des interprètes à toutes les réunions ou les formations pour un employé Sourd, après la période d’emploi initiale.

Si l’accès et l’égalité doivent signifier quelque chose pour les personnes Sourdes, ces problèmes doivent recevoir une priorité plus élevée que celle qu’ils ont reçue jusqu’à maintenant de la part des gouvernements fédéral et provinciaux et par d’autres organismes de financement.

L’Association des Sourds du Canada – Canadian Association of the Deaf n’appuie que l’utilisation d’interprètes professionnels qualifiés qui sont membres de l’Association des interprètes de langue visuelle du Canada (AILC) ou l’association québécoise des interprètes en langues des signes (AQILS). Les interprètes professionnels qui sont membres de l’AILVC/AQILS sont régis par un code d’éthique et des lignes directrices professionnelles prévoyant le respect de la confidentialité, d’un décorum et de normes professionnelles. Ceci s’applique tant aux interprètes non-Sourds qu’aux interprètes Sourds (d’ASL LSQ).

Nous ne considérons pas la famille, les amis, les connaissances, les travailleurs sociaux, les enseignants, les aides-enseignants, les ministres du culte ou autres comme étant qualifiés ou des interprètes professionnels. Dans des situations de haute importance, telles que des causes judiciaires ou des examens scolaires, nous insistons particulièrement sur l’utilisation exclusive d’interprètes dont les qualifications ont été certifiées par le Système canadien d’évaluation (SCE) et qui ont l’éducation ou l’expertise pour clairement comprendre et transmettre l’information spécialisée qui est présentée.

Nous appuyons le droit des personnes Sourdes de rejeter les services d’interprètes qu’ils considèrent comme incompétents ou incompatibles, et d’exiger des interprètes spécifiques avec qui ils sont confortables. Dans une veine semblable, la personne Sourde a le droit de déterminer quel langage sera utilisé par l’interprète (ASL/LSQ, systèmes de signes, signes avec ou sans interprétation orale, etc.)

Nous encourageons fortement le perfectionnement, la reconnaissance, la formation et l’utilisation d’interprètes Sourds de relais pour assister tant l’interprète non-Sourd que la personne Sourde à assurer la pleine compréhension et la pleine communication. Nous encourageons fortement aussi une plus grande identification et une plus grande utilisation des intervenants Sourds en culture Sourde. Ces personnes doivent être des personnes Sourdes capables d’adapter l’information pour la rendre compréhensible et exacte à l’intérieur des normes et valeurs de la culture Sourde.

L’ASC-CAD est très préoccupée par le manque apparent de normes ou d’exigences minimales pour les interprètes du secteur de l’éducation. Des études ont démontré qu’il existe une différence nette de la qualité de l’interprétation des interprètes embauchés par les écoles. La qualité varie selon le niveau de compétence de l’interprète, sa capacité à communiquer l’information fournie par l’enseignant et l’élève, sa connaissance du contenu du cours, la qualité de communication entre l’élève et l’enseignant, et la performance scolaire générale de l’élève. On a souvent dit que des interprètes qui ne sont pas très compétents entrent dans l’interprétation éducationnelle simplement pour avoir la chance d’acquérir de l’expérience et de la confiance. Cela constitue un désavantage pour l’élève ou les élèves Sourd(s) qui doit (doivent) endurer une interprétation de piètre qualité durant la poursuite de leur éducation. Une interprétation par équipe qui metterait ensemble un interprète plus faible avec un interprète confirmé permettrait à l’interprète faible d’améliorer ses qualifications sans désavantager l’élève Sourd.

Une autre préoccupation concernant l’état de l’interprétation scolaire est la tendance, commune à tous les gouvernements provinciaux du pays, de couper des dépenses en intégrant les étudiants Sourds dans les écoles ordinaires soit avec aucun soutien par interprétation, soit avec seulement un soutien partiel (par exemple, avec des interprètes pour deux ou trois cours au lieu d’une journée scolaire complète), ou encore sur la base d’une « interprétation en solo » (c. à d. sur la base d’un seul interprète). Les interprètes sont des êtres humains, et l’interprétation est un travail mentalement et physiquement épuisant ; des études ont prouvé qu’après seulement une heure, un interprète de milieu scolaire travaillant seul est si fatigué que la leçon devient si remplie d’erreurs qu’elle en devient incompréhensible. C’est encore une raison que l’ASC-CAD défende fortement l’interprétation scolaire en équipe, ou, tout au moins, en binôme.

La manière dont le système scolaire et les enseignants perçoivent le rôle de l’interprète scolaire est également très inquiétante. Trop souvent, on les perçoit comme un assistant supplémentaire dans la salle de classe, vouée à jouer un double rôle : ils sont considérés non seulement comme interprète, mais également comme aide-enseignant. Il faut insister sur le fait qu’un interprète est uniquement un interprète, et qu’un aide-enseignant est uniquement un aide-enseignant. Personne ne peut avoir une double casquette.

À l’exception des interprètes et intervenants Sourds, les interprètes ne doivent pas être considérés comme étant des experts ou des conseillers sur les questions touchant les Sourds. Ils fournissent simplement leurs talents dans la facilitation de la communication entre le Sourd et les non-Sourds. L’expertise sur les questions touchant les Sourds et la culture Sourde ne peut être fournie que par les Sourds eux mêmes.

En raison de l’importance de l’interprétation, et de la puissance évidente qu’un interprète peut avoir sur des clients Sourds finis (puisqu’il ou elle contrôle l’information que le client Sourd reçoit et donne), c’est notre position ferme que la fourniture du service d’interprétation doit être régie par des personnes Sourdes et des organisations des Sourds eux mêmes. Donner aux non-Sourds le contrôle de la fourniture de services d’interprétation est exactement la même chose que leur donner le contrôle de la communauté Sourde, car ils contrôleraient notre accès à l’information et à la communication d’une manière qu’ils ne toléreraient jamais dans leur propre vie. Toute forme de contrôle non Sourd de la communauté Sourde est une forme d’oppression et de réduction du pouvoir de la communauté Sourde et est donc totalement inacceptable.

Lecture recommandée : « Educational Interpreting: Multiple Perspectives on our Work From Deaf students, teachers, administrators and parents », par Debra Russell et Jane McLeod.

Russell, D. & McLeod, J. (2009). Educational interpreting: Multiple perspectives of our work. In J. Mole (Ed.), International perspectives on educational interpreting (pp. 128-144). Brassington, UK: Direct Learned Services Ltd.

APPROUVÉ : 3 JUILLET 2015

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